Instits de Cornillon

Cette page présente quelques un.e.s des institutrices et instituteurs qui se sont succédé.e.s dans la commune, entre le Second Empire et la Première Guerre mondiale. Pour une période plus récente, voir ICI.

Le 14 décembre 1860, Gustave Rouland (1806—1870), ministre de l'Instruction publique de Napoléon III met au concours une question, à l'intention des maîtres d'école : « Quels sont les besoins de l’instruction primaire dans une commune rurale, au triple point de vue de l’école, des élèves et du maître ? ». Six instituteurs triévois répondent, dont Jean-Pierre Farsat (1820—1891). Il était né le 3 juillet 1820 au Villard de Touage, et s’était marié à Cornillon le 1er novembre 1842, avec Séraphine Pallanchard, des Richards. Lors de son mariage, à 22 ans, il était déjà déclaré « instituteur communal de la commune de Cornillon ». Quand il écrit son mémoire en janvier 1861, il a la quarantaine, et derrière lui une vingtaine d’années d’expérience. Nous devons cette belle découverte à Marcel Perrichon, président de l'association Culture et Montagne.

Dans son mémoire, Jean-Pierre Farsat appelle de ses vœux « Une maison d’école bien bâtie, possédant une cour assez spacieuse pour recevoir les enfants en récréation ». Il n'a pas connu les nouvelles écoles de Cornillon, inaugurées en 1892. Il a exercé pendant toute sa carrière dans l’ancienne école de Grand Oriol, petite et mal éclairée. Elle était située à une cinquantaine de mètres au nord de la nouvelle : le bâtiment existe encore. Sur la porte d'entrée, une rosace est restée gravée, témoignage émouvant d'un cours de géométrie il y a un siècle et demi (cliquez pour agrandir).

Et l'ancienne école de Villard-Julien, où était-elle ? À l'emplacement de la nouvelle : elle occupait deux bâtiments mitoyens que la commune louait pour servir de « maison d'école », et de logement de fonction à l'instituteur. À l'époque, il s'appelait Pierre Sac. Il était né le 16 juillet 1803 à Mens, sous Napoléon. Deux jours après Noël 1865, ses voisins Jean Raillanne et Jean Bonniot viennent déclarer le décès de « l'instituteur public de la commune de Cornillon », en son domicile de Villard-Julien. Il avait à peine 62 ans et était encore en fonction.

Jean-Pierre Farsat et Séraphine Pallanchard ont eu six enfants, dont trois seulement ont atteint l'âge adulte. L'aîné Henri (1845—1916) a eu une carrière de pasteur à Vienne, après une thèse de théologie à Genève. Les deux autres, Séraphine (1850—1912) et Néhémie (1851—1939) (ci-contre), sont devenus instituteurs ; Séraphine à Mens, Néhémie au Grand Oriol. L'Impartial Dauphinois du 13 avril 1871, quelques mois après la défaite de la France, signalait une « cotisation personnelle de M. Farsat instituteur à Cornillon, en faveur des instituteurs nécessiteux de la Marne ». Néhémie n'avait pas encore 20 ans. Plus tard, il remplira aussi les fonctions de secrétaire de mairie.

Néhémie Farsat et Céline Doriol (1864-1937) (ci-contre), se sont mariés le 21 septembre 1892. Céline était née au hameau de Cornillon et était institutrice à l'école de Villard-Julien. Au fait combien d'élèves y avait-il dans les deux écoles de Cornillon ? Les archives communales ont conservé quelques Registres d'Appels Journaliers de Céline Farsat. Celui de 1894 liste 12 garçons et 7 filles (pour la seule école de Villard-Julien). Les inscriptions cumulées de Cornillon en 1897 sont de 15 garçons et 14 filles. Pour l'année scolaire 1909-1910, Céline inscrit à Villard-Julien 12 filles et seulement 4 garçons.

Il est difficile d'imaginer que tous les jours de classe et par tous les temps, Céline allait de Grand-Oriol à Villard-Julien et retour, à pied. Pourtant le couple déclare bien Grand Oriol comme domicile lors de la naissance de leurs deux enfants Mathilde (1893-1915) et Émile (1895-1981). Ce dernier a suivi les traces de ses parents, mais pas dans le Trièves. Après la première guerre mondiale qui lui a valu le grade de lieutenant, il a commencé sa carrière d'instituteur dans les Hautes-Alpes et l'a terminée au Chevalon de Voreppe. Entretemps, il avait été temporairement révoqué sous Vichy pour faits de résistance : il commandait dans la région un secteur de l'Armée Secrète sous le nom de « Capitaine Pons »

Le 23 février 1893, une quinzaine de pères de famille écrivent au maire de Cornillon pour se plaindre que « depuis lontemps l'école du Grand Oriol est dépourvue de maîtresse de couture, ce qui fait un tort préjudiciable à nos jeunes filles fréquentant l'école ». Unanimes, ils réclament la nomination de Marie Courenq, la femme du garde-champêtre. Alerté, l'inspecteur primaire de La Mure se demande si « comme elle habite Villard-Julien, il lui sera possible l'hiver surtout, de donner son enseignement avec régularité ». Marie Courenq est effectivement nommée le 7 avril, mais pour peu de temps. Fin février 1894, le préfet demande à l'inspecteur d'académie de faire pression sur Céline Farsat, pour que celle-ci accepte de « donner les leçons de travaux de couture » à Grand Oriol. Peine perdue. C'est finalement Ida Auvergne, fille du maire qui a supervisé la construction des écoles, qui est nommée le 9 juin. À tout juste 17 ans, « elle jouira du traitement de 50 fr. affecté à cet emploi et payé par la commune »